Anne-Laure WUILLAI

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Anne-Laure Wuillai, prélèvements d'eau de mer

Cap de Nice, mars 2019

 

L'eau dans tous ses états.

 

 

          Souvent le monde du silence se confond à l'idée de l’eau, lorsque les profondeurs de la mer résonnent du vertige de l'impensable et de l’indicible. L'eau, dans tous ses états, demeure cet élément insaisissable, mobile, transparent et pourtant si primordial quand toute vie y trouve sa source. […]

 

 Ce rêve, cet idéal, cet impossible que l'eau porte en elle-même, c'est aussi cette quête à laquelle Anne-Laure Wuillai s'adonne. […] Explorer son concept, en saisir la globalité plutôt que de la percevoir d'un point de vue partiel, voici l'enjeu d'un travail qui stupéfie par son intelligence et sa perfection formelle. L'eau n'est pas ici représentée, elle est recueillie, traitée, expérimentée pour que l'artiste puisse en énoncer les qualités les plus subtiles. Et voici que face à cette œuvre, nous saisissons cet élément tel qu'il apparaît tour à tour dans son immédiateté, son immobilité ou par le mouvement des vagues, dans son absence absolue de couleur comme dans la profondeur d'un bleu qui nous aspire jusqu'au ciel.

L'artiste traduit les fluctuations, les formes alternées de la glace, du liquide ou de la vapeur tout en désignant une totalité. La transparence se mesure à celle de la matière où elle se dépose. Le contenant et le contenu se croisent dans un jeu de miroir et la couleur s'y formule comme une simple hypothèse. Tout est saisi avec une précision extrême, dans un geste presque clinique. Rien ne vient perturber une recherche qui s'exerce toujours dans un équilibre fragile, dans un état précaire quand le moindre écart mettrait l'expérience en péril.

Chaque œuvre repose sur un instant de visibilité pour une méditation silencieuse et même austère si elle n'était empreinte de cette fluidité, à l'instant où la matière se noie avec bonheur dans la couleur. L'eau s’offre ici à nous dans toutes ses potentialités mais, surtout, l'artiste parvient à en saisir l'essence pure, à partir de l'informe dont elle procède. Rigueur scientifique et perfection technique coïncident alors dans une poésie intense, une réflexion rigoureuse, pour révéler l'âme des choses. […]

 

 L’œuvre d’Anne-Laure Wuillai ne décrit rien, elle définit la matière. Mais elle dit peut-être autre chose, de plus lointain, de plus grave. Ce que Bachelard énonçait ainsi : « La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres ».

Cette part plus sombre, il ne faut pas la chercher dans les rêves mais bien dans les réalités du monde. Ces sculptures-objets arborent ainsi les signes, ou plutôt les stigmates d'une mer menacée. L'artiste confie : « Il me plaît à penser, avec un brin d’humour noir, qu’un jour il y aurait tellement d’emballages dans nos océans, que ceux-ci finiraient par emballer la mer toute entière ». Cette eau, il s'agit de la recueillir, de la posséder, comme si à travers elle on s'emparait du monde. La réalité se confronte alors au rêve. Et c'est dans cette interstice que l’œuvre s'élabore.

 

Michel Gathier, 2019